Une des fameuses dichotomies marketing distingue le produit, un bien physique avec une fonction précise qui est complètement possédé après achat, et un service, une prestation intangible. L’e-commerce est bien souvent associé à la vente de produits, mais qu’en est-il des services? Ont-il un plus gros potentiel exploitable? Sous quel axe se dessine l’avenir de l’e-commerce en Suisse et aux alentours? Le produit, le service ou une combinaison des deux?
Une révolution nommée e-commerce de services
La vente de services en ligne consiste à offrir des “prestations”, que ce soit des services à la personne ou entreprises, de formation, d’hébergement, de transport, de restauration ou encore de loisirs. Ce pan de l’e-commerce regroupe toutes les activités dont la finalité représente l’offre d’un service, d’une prestation intangible, aux consommateurs.
Si e-commerce et produits sont bien souvent associés, la vente de services en ligne est en plein développement. En Suisse, elle représentait 60% du marché e-commerce en 2021 alors qu’en France, la vente de services en ligne a enregistré 43% de croissance en une année et représente désormais 56% du chiffre d’affaires global du commerce en ligne français. L’e-commerce de services peut se présenter sous deux formes principales :
– La transformation numérique des services et prestations (plateformes bancaires en ligne, agences de marketing, sites de streaming musical, etc …) ou la promotion/communication en ligne des services et prestations (agences de photographie, de conciergerie, garages, etc…).
– Et les marketplaces de services qui mettent en relation des professionnels (B2B), des professionnels et des particuliers (B2C) ou des particuliers entre eux (C2C).
Il faut dire que commercialiser un service en ligne dispose de nombreux avantages : pas de stock, pas ou très peu de coûts logistiques et d’infrastructure physique, moins de frais nécessaires au lancement, une certaine flexibilité, rapidité et simplicité dans le déploiement, la personnalisation et la modification des services ou encore moins de personnel requis. À l’inverse, le service étant de nature intangible, il faut pouvoir se créer une réputation, instaurer et gérer une relation de confiance avec les consommateurs. Chose plus facile avec le produit de par sa nature concrète et tangible. Vendre des services en ligne, c’est aussi savoir fixer un prix à sa prestation en tenant compte de son expérience, son expertise ainsi que de la concurrence.
Le modèle marketplace comme pierre angulaire
Fonctionnant également avec les produits (Amazon, eBay ou Ricardo.ch), les marketplaces de services sont cités comme la prochaine révolution de l’e-commerce. Portées notamment par le boom de la sharing economy (économie collaborative), ces plateformes de mise en relation représentent la formule gagnante pour les trois parties en usage : les opérateurs de la plateforme, les prestataires de services et les consommateurs.
Elles permettent à l’opérateur de tester de nouvelles fonctionnalités, de nouvelles offres et de nouveaux marchés, d’accroître la portée de son portefeuille de services ou de lancer un nouveau service en ligne. Les fournisseurs de services profitent d’une importante visibilité et d’un canal d’acquisition disponible à moindre frais. Et enfin, les consommateurs disposent facilement et rapidement d’un accès à un panel diversifié de prestations.
En mettant en relation des clients, à qui un service efficace et personnalisé est offert, et des prestataires de services en quête de visibilité, les marketplaces de services se retrouvent un peu partout. Citons par exemple Fiverr, JobUp ou Amazon Business pour le B2B, Booking ou Uber pour le B2C et Airbnb ou Tinder pour le C2C. Si l’audience (ou les audiences) cible a bien été définie au préalable, ce modèle de plateforme de mise en relation paraît être une solution gagnante pour développer un business sur le long terme. Si, en plus, on y ajoute un besoin minime en personnel, un déploiement plus aisé et moins coûteux et surtout une importante flexibilité par rapport à l’évolution et à la transformation de la plateforme, nous pouvons facilement comprendre pourquoi les marketplaces de services sont en plein essor.
Quel avenir pour l’e-commerce de produits?
De son côté, avec l’impact de la pandémie et la progression, toujours plus importante, de la digitalisation et de la consommation en ligne, l’e-commerce de produits a explosé. Mais la tendance est-elle faite pour durer? À l’heure de la surconsommation au milieu de la jungle des shops en ligne, les clients retournent-ils vers le retail? Est-ce que l’e-commerce de produits peut-il s’essouffler?
Le principal avantage du produit réside dans sa nature tangible. Il permet un contrôle total pour son consommateur car une fois acheté, c’est sa propriété et s’il a un défaut ou ne convient pas, il peut facilement être renvoyé ou échangé. Le produit permet également de toucher un public à plus grande échelle. Mais vendre des produits en ligne a aussi son lot d’inconvénients. Citons notamment des coûts initiaux importants, l’obligation de disposer d’une infrastructure logistique optimale, la nécessité de faire face à une évolution ultra rapide, le besoin constant d’innover mais aussi les barrières d’entrées que peuvent rencontrer les entreprises en s’implantant sur un marché.
Alors, si demain je veux me lancer dans l’e-commerce de produits, arriverais-je encore à apporter de la valeur à ma proposition? Arriverais-je encore à me démarquer de la concurrence, à éviter la surexploitation des marchés et à viser une activité pérenne? C’est le défi de millions de personnes qui se lancent encore chaque jour dans la commercialisation des produits en ligne. Est-ce peine perdue ou existe-t-il un potentiel encore exploitable?
Marché de niche, proposition de valeur et branding
Le vrai challenge est de viser un produit peu ou pas commercialisé capable de répondre à un réel besoin et aux attentes des consommateurs. Pour cela, il paraît essentiel de se diriger vers un marché de niche en ciblant un segment de clientèle bien défini à qui le produit sera proposé et en analysant la concurrence et l’état du marché.
Selon le béaba du marketing, il faut aussi pouvoir ajouter une certaine valeur à son produit. Chose plus difficile quand vous entrez dans un marché où des milliers de personnes vendent déjà la même chose que vous. Après deux ans de pandémie, le créneau du local a le vent en poupe. Fabriquer son propre produit et favoriser le circuit court peut grandement apporter de la valeur et, par conséquent, faire la différence aux yeux des consommateurs. L’éco-responsabilité et le commerce équitable sont autant d’éléments qui apportent aussi une grande valeur ajoutée aux produits dans un monde où nous luttons contre la consommation de masse et où nous cherchons à dépenser moins mais mieux.
Et comment ne pas mentionner le branding. Vendre un produit c’est aussi se démarquer par la façon de le commercialiser, rechercher la valeur et l’innovation à travers une identité de marque reconnaissable et à laquelle les consommateurs peuvent s’identifier. Façonner activement sa marque en créant une identité forte et fédératrice aux yeux de l’audience cible va à coup sûr se refléter sur les produits. Plus le branding sera cohérent et personnalisé, plus grande sera la valeur de la marque et de ses produits.
Un système hybride : vers une révolution servicielle?
Après avoir pris l’e-commerce de services et celui de produits sous des angles différents, pourquoi ne pas en faire un système hybride? Proposer un produit ainsi qu’un service associé (ou vice-versa) pourrait aujourd’hui permettre de tirer son épingle du jeu dans le secteur du commerce en ligne.
Il s’agit de concentrer les efforts sur l’expérience et la satisfaction clients en proposant, en plus des produits, des services adaptés à leurs nouveaux besoins. Cette révolution servicielle consiste par exemple à offrir un service complémentaire ou supplémentaire à l’achat d’un produit en ligne : installation, cours, entretien, réparation ou autre prestation spécifique associée… À l’heure où la gestion de la relation clients a un rôle primordial en e-commerce, cette révolution servicielle pourrait avoir sa carte à jouer dans l’activité d’un e-shop.
Prenons comme exemple les marques de consoles de jeux qui proposent non seulement un produit, la console en elle-même et ses accessoires, mais également un service complémentaire, un abonnement pour pouvoir profiter des fonctionnalités en ligne associées. La question qu’un e-shop pourrait se poser est la suivante : est-ce que l’axe produit est-il suffisant pour remplir la mission qui est de répondre aux demandes et besoins des consommateurs? Est-ce qu’il serait judicieux d’ajouter une dimension servicielle en plus des produits afin d’augmenter la valeur de son offre et ainsi tenter de se démarquer de la concurrence? Finalement et à terme, est-ce que le produit peut continuer de vivre sans service?
Faire cohabiter le produit et le service, c’est non seulement un principe actuel – un iPhone ou un PC portable ne sont rien sans système d’exploitation – mais c’est aussi un challenge d’avenir. La nouvelle tendance du Live Shopping combine services digitaux, plateforme de mise en relation entre consommateurs et vendeurs/influenceurs, ainsi que commercialisation de produits en ligne. Boostés par l’avènement de l’intelligence artificielle et des metaverses, les services en ligne vont aider à déterminer les besoins des consommateurs et créer un univers et une expérience autour de ces derniers. La dimension servicielle d’un système e-commerce hybride peut alors insuffler un nouvel élan aux produits en poussant à leur achat ou faisant office de complément à la vente de biens et produits en ligne.
Bilan
Y-a-t-il encore du potentiel dans l’e-commerce de produits ou les marchés sont-ils surexploités? L’après-pandémie a déjà rendu son verdict et la tendance ne semble pas tellement réjouissante. Son compte à rebours pourrait déjà avoir commencé, surtout sur les petits marchés européens comme la Suisse dans lesquels un momentum où un géant étranger viendra avaler la concurrence n’est pas à exclure. Les revendeurs vont peut être petit à petit disparaître et les marques consolideront et vendront directement leurs produits grâce à la puissance du branding.
Emmené par le modèle des places de marché, l’e-commerce de services semble se valoriser davantage, paraît plus stable, jouit d’une plus grande flexibilité globale et d’une plus grande opportunité de personnalisation afin de correspondre mieux et plus rapidement aux besoins des consommateurs. Il ne serait donc pas bête de croire que l’avenir du commerce en ligne, encore plus dans les petits marchés comme la Suisse, se dessine sous la forme des services.
Même si son futur peut paraître moins radieux, l’e-commerce de produits ne cessera pas d’exister car consommer en ligne est devenu une habitude pour presque tout le monde et la digitalisation ne cesse de se développer. Toutefois, à l’image du retail face au commerce en ligne, le produit devra constamment innover et se réinventer afin de maintenir une forte Unique Selling Proposition. Et cette innovation devra sans doute passer par la combinaison avec un service très certainement dynamisé par l’arrivée et l’éclosion du web 3.0. Prise de température dans quelques petites années?
Content, Communication & RP at Audacia Group
With a bachelor’s and master’s degree in linguistics and communication, Adrien has had the opportunity to work as a redactor, freelance journalist and web journalist. He’s now Content, Communication and RP Manager at Audacia Group, where he writes content and manages communication for both the Group and some acquired brands.